Pandemia vu par Franck Thilliez
Whooz : Franck Thilliez
ON : Pandemia, Fleuve éditions
« Pandemia » vu par son auteur
Franck Thilliez est un auteur proche de son public. Nous avons eu l’opportunité de croiser le chemin du maitre lors du lancement de « Pandemia », son dernier livre en date, au Furet du Nord de Lille*. L’événement avait convié Madame Michèle Vialette, de l’Institut Pasteur de Lille, l’un des responsables et interlocuteurs de Franck Thilliez lorsque ce dernier était en phase de recherche. Nous avons eu également la chance de croiser Franck Thilliez au Salon de Loos** où un forum lui était consacré. Nous vous proposons la synthèse de ces deux rendez-vous autour de « Pandemia », deux rencontres animées par Frédéric Launay, journaliste.
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« Au commencement était … »
La fin d’« Angor », est marquée par la réception d’une enveloppe, que contient-elle ? Personne ne le sait, pas même l’auteur lors de l’écriture de la fin de son ouvrage. Un processus déjà utilisé par la maitre dans « La chambre des morts » avec une armoire chez Lucie Hennebelle que celle-ci ouvrait toujours en secret et dont jamais l’auteur, dans le livre, n’avait révélé ce qu’elle cachait (ce qui ne fut pas le cas dans l’adaptation ciné). La réponse sera donnée dans « La mémoire fantôme », suite de « La chambre des morts ». « Pandemia » suit la même logique, l’arrivée d’un élément à la fin d’ « Angor » qui laisse le personnage au bord d’une falaise, prêt à tomber. Au lecteur de se demander, de fantasmer et d’imaginer ce que l’enveloppe contient. « A la fin de l’écriture d’ « Angor » je ne savais pas ce que l’enveloppe contenait, mais je me suis dit que je trouverai bien lors de l’écriture de « Pandemia » » dira Franck Thilliez lors de sa rencontre avec le public au Salon de Loos.
Franck Thilliez : Avant l’écriture d’ « Angor » jamais imaginé une organisation « malfaisante » à plusieurs niveaux. Je me suis rendu compte en écrivant, c’est-à-dire lors de la phase d’écriture et non dans la préparation du livre, que je n’aurai pas le temps de parler du troisième cercle de cette organisation. J’ai donc fait l’impasse d’en parler dans « Angor », en me disant que je réserverai ça pour un roman suivant dont je ne connaissais ni le thème, ni ce qu’il contiendrait.
Des microbes et des rencontres
Trouver l’idée du roman
Franck Thilliez : Trouver une idée est très complexe, c’est un ensemble d’éléments qui font que l’on poursuive une idée plutôt que de l’abandonner. Un fait divers qui dirait que l’on trouve quelqu’un sur le bord de la route ne serait pas assez conséquent, il faut aller au-delà. Les virus furent un bon sujet car ils sont composés de plusieurs éléments : c’est un sujet que les gens connaissent ou qui leur parle, le virus étant gravé dans l’inconscient collectif, les peurs collectives, ensuite c’est un sujet qui rentre dans le cadre d’un thriller, d’une histoire policière. Le sujet des virus contient toute une histoire, ils ont déjà été utilisés à mauvaise escient … il existe des programmes biologiques … Le virus est une matière.
Le thème du virus est un sujet anxiogène, le microbe fait peur parce qu’on ne le voit pas. Le microbe est invisible, il ne tue pas forcément. Ce qui tue c’est la peur et la désorganisation programmée. Exemple la saturation des hôpitaux ... la peur de manque de vaccins … Enfin, le thème des virus possède des ramifications, par exemple dans le passé, dans l’histoire ou dans la science. La grande difficulté est ensuite de mettre en scène ces microbes, les policiers traquent des assassins physiques, comment peuvent-ils traquer l’invisible ?
Des rencontres importantes
Il y a plusieurs manières de se documenter, la lecture de livres de documentations en est une, la rencontre de spécialistes en est une autre. Ces rencontres permettent de gagner du temps et d’apporter un cadrage par rapport à vos interrogations, ce que la lecture d’un livre ne fait pas. Ces rencontres permettent par exemple de donner de l’épaisseur aux personnages avec des éléments qu’on ne peut connaitre qu’à travers la rencontre directe.
De la coopération des scientifiques de l’institut Pasteur de Lille
Michèle Vialette, de l’Institut Pasteur : Quand la chargée de communication de l’Institut m’a contactée, je n’étais pas très emballée de à l’idée de rencontrer Franck Thilliez. Je ne le connaissais pas, je le pensais être un fan des « Experts » ! Il m’a fort bien parlé, sans évoquer « Les Experts », ce qui fut un bon point pour lui ! Je lui ai expliqué mon boulot à l’Institut Pasteur de Lille. Franck Thilliez avait été dirigé vers moi pour deux raisons : l’étude des micro-organismes stars et médiatiques et le bioterrorisme. L’Institut Pasteur travaille pour l’armée, je ne pouvais pas tout lui raconter. Il n’a pas été simple de lui communiquer la réalité, ce pourquoi on fait les choses, de manière à ne pas créer une psychose.
Franck Thilliez : La notion de secret est la notion que vous rencontrez lorsque vous rentrez dans le registre des virus. Certains chercheurs sont habilités à partager des secrets avec l’armée ou d’autres personnes du ministère de la santé par exemple. Le microbe étant synonyme de danger potentiel, de danger volontaire lié, par exemple, au terrorisme, ou de danger qui arrive de la nature, par les oiseaux, autre exemple. Les scientifiques avec lesquels vous discutez ont le culte du secret avec en même temps l’envie de vulgariser ou d’expliquer leur métier. Mais ils ne vont pas me dire comment répandre un virus par exemple ! Il y a eu deux phases, une phase où ils m’ont dit des choses qu’ils peuvent raconter, ensuite il y a des choses que j’ai posées dans le livre où ils m’ont demandé de changer le nom du service non pas parce que ce soit quelque chose de secret, mais pour éviter des problèmes. Il ne faut pas donner un mode d’emploi, mais rester dans la vérité.
S’arranger avec la réalité
En 2001 il y eu l’anthrax. Lors de ces événements l’Institut a mené son enquête sans donner de détails. Un parallèle entre les policiers menant leur enquête et les scientifiques existe. Le romancier peut quant à lui prendre les cas les pires et les développer lui-même. Cela m’a donné le début de mon roman : Des oiseaux morts sont trouvés au Marquenterre, ils sont porteurs d’un virus …
Des personnages
Lucie Hennebelle et Franck Sharko, les deux enquêteurs.
Hennebelle et Sharko traquent des assassins, aux chercheurs de traquer les virus, de devenir des détectives traquant des tueurs en séries que sont ces virus. Les chercheurs sont des personnages capables de représenter le thème du virus. Avec les chercheurs je crée un point de vue qui permet de parler de mon sujet. Les scientifiques qui traquent les microbes et les policiers ont le même métier : traquer « l’assassin », « le microbe », le plus rapidement possible afin qu’il fasse le moins de dégâts possible. Il faut comprendre le fonctionnement du microbe comme on doit comprendre le fonctionnement d’un tueur – chacun, policier ou chercheur, mène une enquête.
Créer une nouvelle héroïne
J’ai créé le personnage de Camille pour « Angor », et le personnage d’Amandine, une jeune chercheuse, pour « Pandemia ». Mon nouveau personnage est une femme ce qui me permet d’avoir un point de vue différent de ceux des policiers. Les policiers sont complètements plongés dans leur enquête, et j’avais besoin d’un autre point de vue car je voulais traiter d’un sujet particulier qui n’a rien à voir avec une enquête de police : Les virus et les bactéries. Le thème étant celui des microbes, une chercheuse était le personnage le mieux placé pour prendre ce roman sur ses épaules.
Je n’avais pas d’idée sur le style que j’allais tenter. J’ai rencontré Marie Josée Armand de l’Institut Pasteur de Lille à l’occasion de la sortie d’un livre, et elle m’a reçu en décembre. Le titre « Unité de Sécurité Microbiologique » m’a interpelé. Ça a raisonné, sans le savoir, avec quelque chose. Quand je suis sorti du bureau je connaissais le début de mon roman.
Amandine et Phong, un couple particulier
Franck Thilliez : J’ai rencontré Michelle Vialette pour avoir de la chair à mettre dans le personnage d’Amandine. Michèle exerce un métier de recherche, de conseil et d’expertise.
Michelle Vialette : La recherche ne prend qu’une petite partie du temps. On va dire ça comme ça ! La responsabilité est importante quand on a une crise sanitaire.
Franck Thilliez : Amandine traque le microbe. Elle a également une vie privée, qui est un obstacle à la construction du personnage. Amandine est tous les jours en contact avec des microbes, or elle vie avec Phong, une personne souffrant du SIDA A, un peu le SIDA d’il y a vingt ans ! Le SIDA A touche une certaine catégorie de population, notamment les asiatiques. Phong ne peut être en contact avec le moindre microbe. Phong ne peut attraper de rhume, au risque que cela lui soit fatal. La solution est que le couple vive dans un loft avec des plexis et qu’ils ne se croisent jamais. Ils sont en quarantaine l’un de l’autre, c’est le seul moyen qu’ils ont pour vivre ensemble. Cela rend Amandine prudente et phobique.
Tuer un personnage
Je tue régulièrement des personnages dans mes romans ! C’est toujours délicat pour le lecteur, mais mes lecteurs m’aiment parce qu’ils ne savent pas comment mes histoires vont se terminer. James Bond, par exemple, s’en sort toujours. On a peur pour lui sur le moment, mais il s’en sort. Je suis un auteur qui est capable de supprimer un personnage. Mais je suis attentif à mes lecteurs, j’avais fait fort avec « Gataca », j’y suis allé moins fort dans les suivants. Je ne connais pas le destin de mes personnages.
Ecrire une histoire en parallèle
Ecrite en parallèle mon histoire fusionnera pour ne plus former qu’une seule enquête. Avant la phase d’écriture j’essaie de planifier avec des points qui me mènent au terme de l’histoire mais l’écriture confronte à des choix auxquels on n’a pas pensé et donc a l’obligation de faire des choix. On s’engage parfois dans des voies que l’on quittera par la suite pour revenir en arrière et opter pour une autre option qui ira mieux. Il y a des options de gestion du suspens qui sont compliquées. C’est une gestion d’équilibriste pour obtenir une histoire la plus fluide possible.
Le dark net - La face sombre d’internet
Elle provoque à peu près la même peur que les virus ! Cela crée deux peurs très différentes mais tout aussi grave. Je voulais dans « Pandemia » la présence d’un virus physique et la présence d’un virus informatique avec le web noir qui existe réellement. Le virus internet se propage de foyers en foyers. Il existe un parallèle entre le virus informatique et le vrai virus. Le mal incarné est un peu chacun d’entre nous.
Franck Sharko ne sortira pas indemne de l’histoire. Qu’en sera-t-il pour le couple Franck/Lucie ?
L’expérience de la sortie de « Pandemia » avant les vacances estivales
« Angor » et « Pandemia » sont sortis coup sur coup, ce fut une très bonne expérience pour moi. Mes romans sortent en octobre, je termine toujours le roman suivant en novembre/décembre de l’année. En octobre dernier je dédicaçais « Angor » en étant en train de terminer « Pandemia ». Avec mon éditeur nous avons pris l’initiative de resserrer un peu les délais dans la parution des deux ouvrages car ils se suivaient. Le livre, de plus, était prêt ! J’avais également envie de changer des sorties d’octobre, de faire une sortie « d’été ». Nous aurons le résultat de l’expérience après les fêtes de fin d’année. Nous ne savons pas si l’année prochaine nous sortirons en juin ou en octobre, nous attendons les résultats de janvier pour faire les calculs finaux.
Projets
Une fois « Pandemia » terminé il était pour moi impossible de reprendre mes personnages de Lucie Hennebelle et de Franck Sharko pour une troisième fois consécutive. J’ai besoin de les laisser de côté pour passer à autre chose. Je n’ai pas ressenti une espèce de lassitude entre « Angor » et « Pandemia » car c’est une histoire avec une continuité. Il était logique que mes personnages reviennent. Suite à « Pandemia » je me suis lancé dans autre chose, Il est maintenant possible que Lucie et Franck reviennent après le livre de 2016 dans lequel ils ne seront pas !
Mon prochain livre sera un one shot autour du thème du sommeil et du rêve. L’héroïne sera psychologue spécialisée dans les affaires criminelles, mais narcoleptique. Le cliché de la narcolepsie est que la personne s’endorme n’importe où ! Là, dès que mon personnage s’endort il est dans un sommeil paradoxal, le sommeil des rêves. Parfois les personnes narcoleptiques voient leur rêve surgir avant même qu’elles s’endorment, elles sont parfois incapables de dire si ce qu’elles ont vécu est un vrai souvenir, ou un rêve. Où est la réalité, où est la fiction ? Telle sera la question !
Regard de la chercheuse sur « Pandemia »
Michelle Vialette : J’ai été très surprise des recherches que Franck Thilliez avait pu faire. Il est allé très loin dans ses recherches scientifiques. Lorsqu’on se voyait il repartait avec des livres, qu’il lisait, et me posait des questions sur ce que je lui avais donné lorsqu’on se revoyait. Je suis sûre qu’il connait plus de trucs que moi sur certain micro-organisme ! A la fin de ma lecture de « Pandemia » je me suis dit : « ça pourrait être vrai ! ».
* Le 4 juin 2015
** Le 28 novembre 2015
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