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Rencontre de Franck Thilliez autour d'Angor

Whooz : Franck Thilliez
ON : [Angor] (Fleuve Editions)

[Angor] vu par Franck Thilliez

Avant la sortie de « Pandemia » le 4 juin, revenons sur [Angor] avec le récit de la rencontre menée par Frédéric Launay, journaliste, face au Maitre du noir lors de sa venue au Furet du Nord de Lille*.

Créer une nouvelle Histoire

Franck Thilliez : Il faut que je trouve l’idée qui va me plaire, et qui n’a pas été traitée, ou que je vais traiter de manière nouvelle et différente ». Il faut trouver un sujet dramatiquement fort, dans l’Histoire, qui va créer du drame chez les personnages.

Le thème du sérial killer

On est toujours attiré par les êtres en dehors des rails. Avec le sérial killer on est dans les profondeurs, on ne sait pas ce qui va se passer. Mes (les) livres, mes (les) polars parlent de disfonctionnements, moi je traiterai le sujet avec un aspect humain. Vers 13/14 ans j’ai découvert la littérature de Stephen King, j’ai toujours aimé les scénars complexes, je me suis également nourri de films policiers, de thrillers … La mécanique de transmission des émotions, du frisson m’a toujours intéressé. L’envie d’écrire est arrivée tard et ce qui a prédominé fut le fait d’écrire mes propres histoires.

On écrit un livre et on regarde ce qui se passe ! « Train d’enfer » fut la création de mon personnage de Franck Sharko, « La chambre des morts » celui de Lucie Hennebelle. Deux personnages que j’ai fait revenir et qui sont devenus des personnages récurent, puis je les ai fait se rencontrer dans « Le Syndrome [E] ». C’est un peu les lecteurs qui m’ont dicté leur réunion ! Je me suis basé sur leurs remarques pour tracer le destin de mes personnages. J’ai écrit « Syndrome [E] » pour les faire se rencontrer. C’était une évidence dont je n’avais pas eu l’idée de suite, dans cette Histoire il me fallait deux points de vue. Tout me vient pendant l’écriture, je ne me projette pas avec eux.

L’attente du lecteur

Il faut que mes personnages soient mis en difficulté. J’ai des choses à raconter quand il y a des obstacles dans leur parcours. Il n’y a qu’eux pour mener ces enquêtes criminelles ! Sharko se trouvera très protecteur par rapport à Lucie. Mon livre présentera une enquête policière, ainsi qu’une enquête humaine. L’enquête policière sera menée par Lucie, avec douceur, l’enquête humaine par Camille Thibault.

Camille Thibault est une gendarme de la caserne de Villeneuve d’Ascq greffée du coeur. Je voulais casser l’image du gendarme, c’est un corps performant. Afin de trouver son donneur Camille aura l’idée de parcourir les faits divers. Retrouver son donneur lui est essentiel car elle veut arrêter de se poser des questions, et qu’elle est victime de cauchemars où une jeune fille l’appelle à l’aide. Elle mènera donc une enquête humaine, qu’elle réussira rapidement. Le thème de la mémoire cellulaire m’a intéressé, cette science n’a jamais été validée alors qu’aux USA des cas concrets ont été observés.

La double ADN

« Chimère » était le titre initial d’ « [Angor] » ! « Chimère » traduisait la possibilité d’avoir une double ADN, « [Angor] » (ou angine de poitrine) est une douleur poitrinaire que l’on ressent quand on est transfusé du cœur, ceci parce que le système nerveux ne se reconnecte pas. Camille ressent cette douleur.

Le don d’organe

Que peut-il se passer lorsque l’on se fait un don d’organe entre conjoints, et que l’on divorce ? (rires). Dans d’autres cas on trouve des annonces de dons, contre rémunérations, contre travail, c’est une idée de la misère qui règne en Inde, par exemple.

Il me fallait trouver un angle d’approche pour traiter mon sujet, comme Connelly l’avait trouvé pour « Créance de Sang », pour un exemple littéraire. On peut également trouver des exemples cinématographiques.

Comment l’aborder alors que cela doit faire partie d’un univers avec des flics ? Il faut faire en sorte qu’ils soient concernés par la greffe et le don d’organe. Camille portera en elle le sujet, elle portera 30% de ce que je vais intégrer car je vais raccorder cette histoire à d’autres histoires. Ici j’ai voulu rajouter un thème de société, profond, qui fait réfléchir sur la société d’aujourd’hui. Mais je ne suis pas un moralisateur. Je raconte, j’aborde les thèmes sombres de notre humanité.

Documentation

Elle est scientifique, et elle concerne également les pays où vont se déplacer mes personnages. Bien évidemment je me documenterai sur, par exemple, la manière qu’ont d’opérer les policiers ! Il faut que je sois aux faits de ce qui se fait en matière d’enquête policière. Il faut que je traite des aspects modernes, par exemple celui du portable, pour mieux m’en débarrasser.

J’ai deux univers, celui de King pour le frisson, et celui du roman à énigme avec son côté très carré. C’est avec ce côté que la mécanique policière se met en route. Mes personnages sont laissés tranquilles une fois sur deux ! Mon prochain livre sera dans la continuité d’ « [Angor] », et reprendra mes personnages de Sharko et d’Hennebelle, ainsi que celui de Camille. Mes personnages vieillissent avec moi !

Le choix du titre

Il faut trouver un titre court, un mot unique la plupart du temps. Les crochets viennent du « Syndrome [E] », je les ai repris ici.

Quelques figures Thilliesques

Le tueur en série. Leur univers est captivant, ici c’est un petit élément du récit. Mon roman site d’ailleurs Stéphane Bourgoin, le spécialiste des tueurs en série, avec son accord, bien entendu.

Le photographe. La photo est un sujet qui me passionne, mes romans ont toujours rapport à l’œil comme avec la dualité, autre sujet auquel je suis sensible.

Franck Thilliez, un écrivain prisonnier de ses lecteurs ?

J’ai la chance de pouvoir écrire des polars et des unitaires, des one-shot. Je me fais plaisir. Mais il y a des enjeux avec mes personnages. J’ai toujours procédé avec une certaine alternance, mes lecteurs savent qu’elle est ma manière de faire.

Dans mes livres précédents on était dans le point de vue de Sharko/Hennebelle, ici on l’est un peu moins. J’ai installé d’autres personnages, Nicolas Bellanger, le chef de groupe prend de l’épaisseur.

Sur l’expérience d’écriture de scénarios

Il est agréable de travailler en groupe. Le monde de la télé est un monde de contraintes, la conséquence est que cela fait marcher l’imagination. Il existe des contraintes liées à l’histoire, des contraintes financières (peu de décors, pas de tournage de nuit …), et la contrainte du public.

Projets cinématographiques

Le « Syndrome [E] » a évolué, son scénar est terminé et validé du côté US. Il ne reste qu’à trouver réal et acteurs !

Je travaille actuellement en tant que co-scénariste sur « Vertige ».

* Le 9 octobre 2014

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