La terre des morts de Jean-Christophe Grangé
Whooz : Jean-Christophe Grangé
ON : La terre des morts – Albin Michel, 2018 – Le Livre de Poche, 2019
La terre des morts
de Jean-Christophe Grangé
Chronique de Bruno Delaroque
Avec « La Terre des morts » paru chez Albin Michel en mai 2018, Jean Christophe Grangé semble signer un retour au thriller plus classique. Je dis bien « semble ». Je me suis dit assez vite, rien de bien original dans tout cela avec une série de meurtres de strip-teaseuses, plutôt gore d'ailleurs, à la façon des tueurs en série made in USA, et puis un flic, le commandant Corso, archétype du flic plus ou moins borderline, déboussolé, violent, en plein divorce, bref une caricature maintes fois aperçue au cours de mes nombreuses lectures!
Et puis finalement, en progressant dans cette intrigue, cette base commune que l'on retrouve ici et là s'avère juste être la partie immergée de l'iceberg. Parce que Grangé finit par faire du Grangé et c'est ça qu'on aime chez lui. Plus on tourne les pages, plus l'affaire se dévoile et plus les évidences évidentes se heurtent à un mur et à des impossibilités.
L'auteur est très fort pour nous mener par le bout du nez, nous suggérer des fausses pistes et sait mieux que quiconque ménager ses effets.
On est ici dans l'excellence, je trouve, après un départ des plus classiques. On explore en compagnie du romancier le monde du bondage, du shibari et du porno, on découvre un univers particulier qui reste discret et souterrain, pratiqué par des milieux plutôt aisés, à l'abri des regards et dans des endroits spécialisés.
Véritable plongée en apnée dans un monde glauque et interlope, celui de la jouissance par le mal, on y croise des hauts fonctionnaires, des flics, des acteurs pornos, des producteurs, des bourgeois et des bourgeoises, des artistes peintres et tout ce qui peut graviter autour de l'art dans les très grandes largeurs.
L'auteur brosse des portraits au vitriol de ses personnages et ne manque jamais d'explorer à fond la psyché plus ou moins torturée de ses intervenants. Personne n'est laissé de côté et plus le roman avance, plus on comprend pourquoi tel ou tel personnage fonctionne comme cela.
Jean Christophe Grangé, fidèle à son habitude, aime aussi égratigner la société et distribuer bons et mauvais points grâce à un regard juste et affûté. Le style Grangé, quand il est à son meilleur donne un récit fluide et addictif, une succession d'événements menant à des impasses.
Vous pensez enfin détenir la vérité, et puis, ultime chausse trappe, vous avez tout faux et il faut tout reconsidérer.
Police, magistrature, arcanes du pouvoir, tout ce petit monde qui fonctionne selon des règles bien précises, le tout « entre amis », est juste une façade que ne manque pas de fustiger l'auteur. Donneur de leçons, notre JC Grangé ? Certainement pas, mais il touche là du doigt ce que certains d'entre nous, confrontés un jour ou l'autre à « ce système broyeur » ont tous constaté : une justice dont le nom n'est qu'un leurre.
De la conviction profonde du flic chargé de l'enquête qui se transforme enquête obsessionnelle ou croisade folle, on se rend compte que l'erreur judiciaire peut vite arriver parce que le système demande un coupable dans les meilleurs délais. Et lorsqu'il se présente sur un plateau, c'est facile. D'autant plus aisé quand l'individu a un joli casier, long comme le bras, et que toutes les preuves vont dans le bon sens.
Mais la vérité implacable est-elle forcément la bonne ? Demandez donc à Sobieski !
Cette « Terre des morts » est un excellent cru de Jean Christophe Grangé. Sans avoir l'air d'y toucher au début, il tisse un formidable scénario qui trouvera son épilogue seulement au cours des dernières pages après avoir joué avec nos nerfs et ceux des enquêteurs pendant 560 pages.
Rien à dire, si ce n'est BRAVO.
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