Norferville de Franck Thilliez

Whooz : Franck Thilliez
ON : Norferville, Fleuvenoir éditions - 2024

Norferville de Franck Thilliez

Chronique de Bruno Delaroque

Deux époques et deux ambiances, deux pays différents, des conditions climatiques opposées ; et pourtant les mêmes individus dégoûtants sont à l'œuvre, prédateurs de l'ombre guettant leur proie et cherchant la chair fraîche. C'est ainsi que commence le nouveau Franck Thilliez, j'oserais dire presque calmement grâce à une écriture posée et limpide.

Avec ce roman qui va se passer dans l'univers hostile du grand nord canadien, Franck Thilliez fait la part belle aux auteurs locaux Sénécal, Martin Michaud, clins d'œil toujours appréciés.

« Norferville », titre de ce dernier opus, est une ville à l'écart de tout, glacée et glaçante, une ville peuplée de fantômes pour Léonie, enquêtrice aux Crimes Majeurs, qui est expédiée sur place pour résoudre une affaire sordide. Ses origines la désignent comme la parfaite interlocutrice pour cette enquête. La victime, une jeune femme de28 ans n'est autre que la fille d'un privé lyonnais (Teddy Schaffran) dont on a fait la connaissance au début de ce scénario.

Nul doute que cette investigation au bout du monde et au bout de l'horreur sera un terrain de jeu effroyable que l'auteur va savoir exploiter entre racisme, choc des cultures et résurgence du passé.

Norferville est un monstre et il a sa gueule grande ouverte !

Le retour à Norferville pour l'une (Léonie) et l'arrivée pour l'autre (Teddy) est une plongée cauchemardesque dans un environnement extrêmement dangereux. L'ambiance me fait penser au film de 2002 qui se déroule en Alaska « Insomnnia » avec Robbin Williams et Al Pacino.

22 ans après, Franck Thilliez nous livre sa version et elle n'en n'est pas moins réussie. De chaque page suinte un malaise profond et on ressent ce sentiment d'insécurité permanent du au conditions climatiques.

Du froid, il en sera beaucoup question et c'est même un personnage à part entière de cette histoire. Une enquête compliquée se dévoile peu à peu et remonter le fil des rares indices est un long puzzle. D'ailleurs il faudrait d'abord le trouver ce fil ! Léonie et Teddy se démènent pour ronger le moindre os qui se présente à eux.

Sur fond de croyance locale et de températures hors normes, ce Franck Thilliez très nordique coche les cases d'un parfait thriller inhabituel.

J'ai pu lire ici et là que certains avaient été déçus. Pour ma part je trouve cela exagéré et inapproprié. Nous sommes trois à lire à la maison, de générations différentes et tous avons apprécié.

Peut-on reprocher à un auteur d'évoluer et de chercher à écrire des choses différentes ? Non bien sûr, et ce dernier titre du « Maître » est en ce sens une réussite. S'il paraît moins terrifiant de prime abord, cette espèce de huis clos angoissant de par les conditions extrêmes dans lesquelles il se déroule fait mouche. Le romancier imprime le tempo, déchaîne la tempête et livre ses héros à la tourmente piquante du grand froid qui fait qu'à chaque pas, à chaque page, la mort peut être au rendez-vous !

Mais ce qui ne change pas, c'est le talent qu'à l'écrivain pour brouiller les pistes. Lorsque l'on croit enfin tenir quelque chose de tangible, lorsqu'un suspect clignote en rouge, la vérité se dérobe et il faut tout recommencer.

Ce roman est haletant et fort bien construit dans un registre différent. Une fois de plus, l'auteur nordiste nous emmène dans un monde particulier et visite avec bonheur le grand nord québécois. Je ne peux que vous conseiller la lecture de ce livre qui change, vous évadera et vous aérera l'esprit à coup de grands espaces.

La seule chose que je reprocherais, c'est la texture de cette couverture dont je ne suis vraiment pas fan, mais ça c'est une question de détail, vous en conviendrez.



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