Un moindre mal de Joe Flanagan

Whooz : Joe Flanagan
ON : Un moindre mal - Ed. Gallmeister

Un moindre mal de Joe Flanagan

Chronique de Bruno Delaroque

1957, Cape Cod, une petite commune tranquille, le lieutenant Warren se trouve propulsé à la tête de la police locale à la suite d’un malaise cardiaque du chef Holland. Hormis la disparition d'un enfant, il n'y a pas grand-chose à faire si ce n’est les occupations courantes comme les violences à domicile et l’affaire Weeks dont on sent bien qu'elle va être plus importante qu'il n'y paraît.

La Massachusetts comme décor, cet état à la riche histoire colonialiste, voit le corps d'un jeune garçon de 9 ans martyrisé et violé, retrouvé au milieu de bambous entourant un marais. C'est un grand choc pour Warren, ses collègues et toute la communauté.

Le problème c'est que le premier enfant disparu sur lequel enquête la police d'état est aussi retrouvé mort dans un lac à Truro ; pas si loin que ça dans le Massachusetts également.

L'intrigue se met en place avec ces deux petits à la vie ôtée brutalement et toutes les forces de police sont mobilisées ; Warren et son équipe, mais aussi la police d'état sous la direction du capitaine Stasiak avec lequel il va falloir collaborer.

On est dans une dramaturgie profonde qu'il faut prendre le temps de décrypter. Avec ses descriptions précises de l’environnement, mais aussi l'exploration de la vie des gens, enquêteurs compris, on se rend compte que l'on est parti pour un sacré roman. Il faut l'apprivoiser et s'y plonger doucement pour mieux l’appréhender dans sa globalité. C'est un univers, une époque que retranscrit l'auteur ; Cape Cod 1957. Le travail est immense, l'écriture formidable et on est là dans la quintessence de ce qu'on aime trouver chez Gallmeister, cet éditeur spécialisé dans les publications made in the USA.

Vie de tous les jours bouleversée par cette série d'atrocités, Warren comprend vite qu'il vient de mettre les pieds dans un terrible merdier. C'est une ambiance lourde et pesante que seule on peut trouver dans ce genre d'histoire racontée avec un grand sens de la mise en scène. Qui sont les méchants et qui sont les bons ? Classique certes, mais l'atmosphère est particulière avec beaucoup de personnes qui jouent au poker menteur. Avec plusieurs fils rouges à suivre et des intrigues aux ramifications diverses, ce petit coin n'est finalement pas si calme que cela. Mais peut-être est-ce « un moindre mal » ou peut-être pas ?

La plume de Joe Flanagan creuse un sillon profond en révélant les petites combines des uns et des autres, et on explore le terreau sombre de ce pays puritain marqué par le racisme, la violence et une prohibition pas si lointaine. On devine derrière chaque ligne les affres du passé et la volonté d'un pays voulant être le premier. Les hommes de pouvoir jouent et usent de leurs petits privilèges et il ne faut surtout pas tenter de les en empêcher.

Quelque chose est pourrie à Cape Cod et c'est en profondeur. Des réseaux sont à l’œuvre et on écrase ceux qui ne veulent pas comprendre, rentrer dans le moule ou fermer leur gueule.

Mais ça, c'était jusqu'à ce qu'un grain de sable vienne perturber la belle organisation. Et vu la taille du grain de sable ; deux corps retrouvés emballés enfouis dans une décharge ! Ça pue au sens propre et figuré du terme.

C'est de la grande littérature noire et puissante tout au long des 470 pages du récit. On se retrouve en plein cœur du Massachusetts et de cette enquête hors du commun. Rivalités des hommes et retournements de situations, Warren, le personnage principal va en voir de toutes les couleurs. Ce héros discret, fin enquêteur, pétri d'humanité et de doutes est une belle trouvaille. Il domine ce scénario de toute sa personne.

Pour le reste ce sera à vous découvrir la richesse de ce premier roman de Joe Flanagan que j'ai adoré. C'est une lecture qui évade, fait découvrir une autre culture et gratte quelquefois là où ça fait mal. C'est grand et je ne peux que recommander !


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