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Entre deux mondes d’Olivier Norek

Whooz : Olivier Norek
ON : Entre deux mondes – Michel Lafon, 2017 – Pocket, 2018

Entre deux mondes d’Olivier Norek

Chronique d’Eppy Fanny

Mars 2019, oui je sais je suis à la bourre, mais un livre chroniqué énormément me fait le même effet qu’une chanson qui passe en boucle à la radio. Alors je prends du recul et attends le bon moment pour que le plaisir reste intact. Et intact il a été. Un magnifique moment de lecture. Merci Olivier.

L’histoire

Adam doit absolument fuir la Syrie où sa famille et lui sont en danger. Il a été flic pendant plus de 15 ans et est désormais un agent dévoué de la police militaire de Bachar el-Assad. Police militaire qu’il a infiltrée. Et la menace se rapproche. Il va bientôt être découvert et il est bien placé pour savoir ce qui se passe dans les geôles du régime où les tortionnaires s’en donnent à cœur joie. Une boucherie sans nom qu’il côtoie chaque jour.

Extrait P. 59 : « Il ne pourrait pas sauver son pays. Seules sa femme et sa fille comptaient à présent. Il allait quitter la Syrie par tous les moyens possibles. Et que ceux qui diraient qu’il aurait pu se battre pour aider son peuple aillent se faire foutre. Ou viennent à sa place, dans ce hangar surchauffé, recenser des suicidés aux pieds brûlés et aux dents arrachées. »

Adam va donc mettre prioritairement en sécurité ses deux trésors : sa femme et sa fille. Avec l’argent mis de côté, un passeur va les conduire à Calais par voie maritime, dans cette fameuse Jungle dont il entendu parler et où elles seront en sécurité jusqu’à ce qu’il puisse les rejoindre. Lorsque Adam peut enfin entreprendre le voyage il se rend à Calais au camp de migrants et cherche ses trésors. Elles ne sont pas encore là. Alors patiemment il guette les arrivées quotidiennes.

A Calais, un nouveau flic, Bastien, vient d’arriver avec sa famille composée d’une ado et d’une femme en pleine dépression. Il espère que ce changement d’air va permettre à son épouse de se retrouver. Pour leur famille, pour leur couple.

Bastien Miller découvre une ville en souffrance. Des commerces qui ferment, des touristes qui désertent, une population qui va de la bienveillance et de l’aide aux migrants, à des extrêmes et groupuscules fachos. Une économie portuaire en péril, via ses bandes de désespérés qui tentent, chaque nuit, de monter dans ces camions qui sont pour eux synonyme de liberté. L’accès à Youké comme ils disent. United Kingdom, l’Eldorado. Les accidents sont fréquents, les morts aussi. Mais les migrants, la mort ils l’ont déjà vue de prêt. Ils n’ont plus rien à perdre.

L’équipe de la BAC, avec à sa tête Ludovic Passaro, fait de son mieux. Bastien demande à les accompagner pour tenter de comprendre cette fameuse Jungle qu’il n’a vue qu’à la télé.

Extrait partiel P. 121-122 : « Alors on leur a créé le statut de « réfugiés potentiels ». – C’est la première fois que j’entends ça, concéda Bastien… - Cherchez pas, ça n’existe nulle part ailleurs et dans aucun texte de loi… avec ce statut bâtard, on ne peut pas les interpeller. Logique, si on refuse de les intégrer à la France ce n’est pas pour les rentrer dans le système judiciaire. Mais on ne leur donne pas non plus la qualité complète de réfugiés, sinon il faudrait s’en occuper. »

Dans la Jungle les Afghans mènent leur business et il n’est pas question de s’en mêler. Le lieu est une zone de non droit où la police ne rentre pas. On peut y tuer en toute impunité.

D’autres intérêts sont également en jeux. La DGSI a un indic dans la Jungle. C’est que ces flux incessants de désespérés en font un vivier idéal pour les recruteurs de Daesh.

Malgré le lieu et les conditions de vie compliquées, Adam reste un policier dans l’âme. Ces cris qui déchirent la nuit, il ne peut les supporter. Il va sauver un enfant black, qui s’est fait violer, le conduire à la sortie du camp et l’accompagner à l’hôpital. Il y fera la connaissance de Bastien. Une relation méfiante, puis du respect et de la compréhension se mettront en place entre les deux hommes. Ils ont tant en commun.

L’enfant reconnaissant va devenir l’ombre d’Adam. Ce dernier a conscience que son geste l’a condamné, tout comme l’enfant. Les Afghans ne font pas de quartier.

Il va tout faire pour le sauver. Voilà un objectif qui va lui faire supporter l’attente interminable de sa propre famille.

Puis un meurtre est commis dans la Jungle.

Qui est le coupable ? Quel est le mobile ? Quelles sont les implications ?

L’avis d’Eppy

Ce roman est bouleversant. Il interroge sur l’humanité de chacun de nous, sur l’impuissance face à un système qui ne veut rien faire et laisse la situation pourrir. Sur ces enfants, ces femmes et ces hommes qui n’ont plus rien que l’espoir. Un espoir qui s’amenuise chaque jour. Il met dans la lumière le travail de ces associations qui font de leur mieux avec si peu. Le personnage de Julie en est un formidable exemple. Et puis il y a ces policiers, désabusés, qui doivent gérer l’ingérable et qui se sentent, à raison, totalement oubliés.

Une peinture sociale sans concession, où l’humain est au cœur de tout.

De quoi serions-nous capables, si nous aussi, demain nous devions fuir en laissant notre vie et nos biens derrière nous ?