"Vie sauvage" vu par Cédric Kahn

"Vie sauvage" vu par Cédric Kahn

Whooz : Vie sauvage
ON : Au Cinéma le 29 octobre 2014

Mes fils, ma bataille

« Vie sauvage » vu par Cédric Kahn, son réalisateur

Argument. Philippe Fournier (Mathieu Kassovitz), dit Paco, décide de ne pas ramener ses fils de 6 et 7 ans à Nora (Céline Salette), leur mère qui en avait obtenu la garde. Enfants puis adolescents, Okyesa (Sofiane Neveu puis Jules Ritmanic) et Tsali Fournier (David Gastou puis Romain Depret) vont rester cachés sous différentes identités. Greniers, mas, caravanes, communautés sont autant de refuges qui leur permettront de vivre avec leur père, en communion avec la nature et les animaux. Traqués par la police et recherchés sans relâche par leur mère, ils découvrent le danger, la peur et le manque mais aussi la solidarité des amis rencontrés sur leur chemin, le bonheur d'une vie hors système : nomades et libres. Une cavale de onze ans à travers la France qui va forger leur identité.

L’avant-première de « Vie sauvage », le dernier film de Cédric Kahn (« L’ennui », « Les regrets ») eu lieu au Majestic de Lille* en sa présence ainsi que de celle de Romain Despret, l’interprète de Tsali adolescent, l’un des principaux personnages du film. Suite à la projection ces derniers rencontrèrent le public, nous vous proposons les moments forts de cet échange.

Propos recueillis par François Cappeliez


La rencontre Romain/Cédric

Cette rencontre eu lieu par hasard, dans un centre équestre, Romain répondait aux critères recherchés par la production, il fut dirigé vers le casting parisien.

Cédric Kahn : Le casting des quatre jeunes du film a duré plus de six mois. Mais au final nous en sommes content, la ressemblance physique et de tempérament des jeunes a une continuité troublante.


Un film confronté à la réalité

Cédric Kahn : Les personnalités concernées par cette histoire ont vu le film, ils sont d’ailleurs nommément cités, et nous avaient donné leurs approbations avant le tournage. Ces « héros » de l’histoire originelle ont plus ou moins été contents du résultat final ! J’ai pris des libertés avec leur histoire, je l’ai toujours dit, en particulier avec les garçons. J’ai renvoyé dos à dos les deux parents car il est impossible de prendre parti pour le père ou la mère. Le seul point de vue sur lequel je pouvais m’attarder était celui des garçons. Je voulais également raconter la cavale et la clandestinité.


Les faits réels

Cédric Kahn : En son temps ce fut un fait divers qui a défrayé la chronique. La mère a d’abord alerté les médias, le premier temps fut médiatique. Le deuxième fut tout aussi médiatique, mais tenu par les fils défendant leur père, ceci en parallèle à la pression qu’ils firent sur la mère pour qu’elle retire sa plainte. Ce dernier eu une peine « légère », 22 mois de prison dont deux mois fermes, il fut libéré à son procès, ce qui sera compris comme une victoire.

Le film devait rester dans le cadre familial. Les garçons ont toujours été assez proches de leur père, ils vivent actuellement avec leur éducation, sans trop avoir changé de mode de vie telle qu’elle est décrite dans le film.

En abordant le thème de la filiation (des pères de familles qui réclament la garde de leurs enfants, voire l’épisode du père ayant protesté sur une grue) ce film raconte un sujet « actuel ». J’ai eu envie et cherché à raconter cette histoire après 2008, c’est le hasard de l’actualité qui le montre en résonnance avec le combat de ces pères.  


Préparation documentaire de Romain

Romain Depret : Je me suis complètement nourrie du scénario, et Cédric m’a guidé. J’ai rencontré « mon double » après le tournage, sur une idée de Cédric, ce qui était judicieux pour ne pas copier l’original (Shahi Yena Fortin). Je l’ai rencontré au festival de San Sébastian** fin septembre.


Le pari du casting

Cédric Kahn : C’était celui de la ressemblance physique et de tempérament de la part des acteurs par rapport aux originaux. J’ai été également vigilent à la capacité de jouer de mes comédiens. Je ne leur ai pas demandé de comparaison, je leur ai demandé d’y mettre leurs tripes, leurs âmes.

Romain Depret : Au final quand on possédait le fond du texte, c’était de l’impro, guidée par Cédric.


Le tournage

Cédric Kahn : Il s’est déroulé sur deux saisons, un tournage en été, puis un second quelques mois après. Dix semaines en tout, avec une équipe technique réduite, « une caméra, c’est tout ! ». Le tournage fut sans lumière, sans travelling … On a tourné avec le soleil, avec les intempéries … c’est la particularité du film.


La problématique principale du film

Cédric Kahn : La question d’être parent est le cœur du film, plus que celle du fait divers. Nous avons eu de terribles choix à faire. La guerre que se livrent les deux parents est le fond du film, ces derniers se la font sans penser aux intérêts de leurs enfants. Les deux jeunes ont eu une violente crise d’adolescence car ils ont compris qu’ils ont été pris en otage par leur père, même s’il reste une admiration pour eux (par instinct de protection). Les deux frères sont maintenant sortis de la clandestinité (ils ont maintenant 24 et 25 Ans), ils ont même de bons rapports avec le troisième frère, celui resté avec la mère et vivent toujours en marge de la société.


Une « belle » vie sauvage !

Cédric Kahn : Je montre les deux côtés de cette vie, les chevaux, la musique … et des plans d’hivers, la tuerie du lapin. Je montre l’utopie et la rébellion. Les deux frères ont un désir de normalité, ils veulent raccrocher le monde, la société, avec les mêmes arguments que leur mère.

Le départ brutal de la mère a créé les violences qui ont suivies. Le personnage de la mère a été réhabilité par le film, on retiendra sa douleur à elle, celle-ci dira « mes bébés, mes bébés » alors qu’elle retrouve des hommes !

Tous les personnages sont dans leur rôle, avec une question : la vie hors système est-elle possible ? Une microsociété s’est formée, avec les mêmes problèmes que la société dite « normale ». Le choix de cette vie en marge est sans issue, c’est ce que montre la vie du père. Ce dernier est d’ailleurs assez résigné lorsque les flics arrivent. Romain, lui, tombera amoureux d’un ailleurs, d’un amour exotique. Cet amour sera condamné par le mensonge, Romain devant taire la vérité pour éviter la trahison.


* le 10 octobre 2014

** « Vie sauvage » (Cédric Kahn), « Une nouvelle amie » (François Ozon) et « Bande de filles » de Céline Sciamma ont tous trois été distingués au festival de San Sébastian. Respectivement, « Vie sauvage » a obtenu le prix spécial du jury, « Une nouvelle amie » le prix Sébastiane et « Bande de filles » le prix Un autre regard.


Pour aller plus loin sur WHOOZONE.COM

« Bande de filles » vu par Céline Sciamma, sa réalisatrice

« Une nouvelle amie » vu par François Ozon, son réalisateur et Anaïs Demoustier et Raphaël Personnaz deux de ses comédiens

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31/10/2014
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